mercredi 17 décembre 2014

Raising the flag, une photographie de Joé Rosenthal, 1945


Histoire / Histoire des Arts
Raising the flag, une photographie de Joé Rosenthal, 1945


Le 23 février 1945 le photographe Joé Rosenthal photographie la pose du drapeau américain au sommet du mont Suribachi dans l’île d’Iwo-Jima, alors que des très rudes combats contre les japonais se poursuivent. Ce cliché deviendra immédiatement un symbole de la guerre dans le Pacifique puis l’un des mythes les plus populaires des Etats-Unis.
Comment passe-t-on d’un simple cliché au mythe ?

A. Le contexte
Il s’agit de la photographie prise par Joe Rosenthal (octobre 1911 – août 2006) le 23 février 1945. Le photographe est au sommet du mont Suribachi. En arrière-plan l’île volcanique d’Iwo-Jima et au 1er plan le sommet ravagé par les obus. On observe six soldats, dont
quatre sont parfaitement visibles, en train de hisser le drapeau américain qui se détache sur un ciel gris et claque au vent. Ils sont saisis en plein effort par le photographe.
Les combats commencent le 19 février par le débarquement sur Iwo Jima. La photo est prise le 23 février. Les combats se terminent le 25 mars. Le bilan des victimes est énorme : 20 703 sur les 22 000 soldats japonais sont tués, 216 sont portés disparus, et 1 152 sont faits prisonniers.
Du côté américain, le bilan est de 6 821 sur 70 000 marines tués, 19 189 sont blessés, et 494 portés disparus. 

Vidéo d'actualités françaises sur le débarquement américain d'Iwo Jima

Extrait du film Sand of Iwo Jima, film américain de Allan Dwan (1949)

Montage d'extraits du film La mémoire de nos pères de Clint Eastwood (2006)
(coupez le son si vous n'avez pas d'écouteurs ou si vous n'aimez pas la musique de Muse)

La vidéo de la scène
Cette photo est publiée à la Une du grand quotidien américain, « the New York Times » date du 25 février 1945, soit moins de 2 jours après que la photographie de Joé Rosenthal ait été prise.

B- La polémique
Certains ont accusé Joé Rosenthal d’avoir fait poser les soldats alors que la photographie est censée être « prise sur le vif ». Il réfute et explique…

" Nous étions sur Iwo Jima depuis cinq jours de durs combats. Je m'étais absenté sur un navire de la Navy pour développer mes photos. De retour sur la plage, on m'annonce qu'une patrouille vient de partir pour le mont Suribachi, le sommet de l'île. Cette journée était décisive. L'ascension fut rude. Les gars lançaient des grenades pour se protéger des ennemis embusqués. Arrivé au sommet, j'ai vu les premiers soldats planter un petit drapeau. J'ai vu un marine qui tenait un drapeau beaucoup plus grand sous le bras. Le premier, c'est pour le souvenir, m'a-t-il dit. Celui-ci, c'est pour que les copains le voient de partout. Deux drapeaux, cela aurait annulé tous les effets. J'ai attendu qu'il plante le grand drapeau. Je manquais de recul, la photo risquait d'être mal cadrée. J'ai bricolé une plate-forme de fortune avec des pierres. Il fallait faire vite. Je suis redescendu, le cliché est parti pour New York sans que je puisse le voir. Cinq jours plus tard, j'ai reçu par radio des félicitations d'AP. Ai- je eu le sentiment de réussir un cliché historique ? Pas vraiment. Je ne suis pas une vedette, juste un photographe qui a eu de la chance, le temps d'un instantané."
 Source http://fr.wikipedia.org/wiki/Joe_Rosenthal 

C. Une photo devenue patrimoine

Dès 1945, la photographie de Rosenthal est reprise pour l’affiche de promotion du 7e emprunt de guerre américain.

"Le drapeau rouge sur le Reichstag", Berlin 2 mai 1945.
"Photographe de guerre, Evgueni Khaldei réalise le 2 mai 1945 sur le toit du Reichstag l’une des photographies les plus connues du XXe siècle : le drapeau soviétique flottant sur la ville vaincue. Rentré à Moscou, Khaldei se rend à l’agence Tass dont le rédacteur remarque que l’officier porte une montre à chaque poignet. Comme de nombreuses informations circulaient alors sur les exactions et les pillages commis par les soldats soviétiques, l’agence retouche l’image, en effaçant la montre du bras droit, pour éviter toute polémique. Ce n’est qu’après la chute du Mur que Khaldei réussira enfin à publier l’image originale dont il avait conservé le négatif. Un détail peut déterminer la lecture d’une image, en faire ici le symbole de victoire, ou au contraire celui du pillage."













Le cimetière national d'Arlington (Virginie) est un important cimetière militaire américain.
Le mémorial du corps des Marines des États-Unis (1954) est une sculpture en bronze reproduisant la Raising the Flag on Iwo Jima. Ce monument est imposant (en observant les personnages de droite on a environ une hauteur de 10 mètres, sans le drapeau). Sur la base on trouve la phrase de l’amiral Nimitz, « Leur bravoure hors du commun fut une vertu commune ».
Le groupe de soldats diffère très légèrement de la photo initiale mais elle reproduit malgré tout assez fidèlement la photo prise par Joé Rosenthal. 
Ce monument traduit la véritable patrimonialisation de la photographie de février 1945 (on estime que l'image a été reproduite sur 3,5 millions de posters, 15 000 panneaux d'affichage, 137 millions de timbres).









Pour les premiers pas de l’homme sur la lune, le 21 juillet 1969, on estime à 500 millions le nombre de téléspectateurs avec pas moins de 200 journalistes du monde entier.




Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis la puissance de la patrimonialisation de la photo de Joé Rosenthal est ressortie de façon évidente.
Cette photographie publiée en Une de Newsweek, prise par Thomas Franklin Thomas Franklin, « Ground Zero Spirit  », représente trois pompiers en train de hisser le drapeau américain sur les ruines fumantes de Ground Zero. Elle répète de manière évidente la photographie de Joé Rosenthal.  
Pour de nombreux analystes cette façon de traiter ces évènements du 11 septembre ont contribué à préparer les américains aux guerres futures contre « le terrorisme » (Georges
Bush).

D. Iwo Jima dans la contestation de la puissance américaine


Caricature d’Andy Singer dénonçant l’américanisation du monde.



Pour finir, en 1973, une couverture de l'Album recueil du journal Spirou - n°130 (Dupuis), Willy Lambil parodie la photographie Raising the flag on Iwo Jima de Joe Rosenthal. Il remplace les marines combattant dans le pacifique durant la Second Guerre Mondiale par ses Tuniques bleues de la guerre de Sécession.

Sources utilisées